
Histoire de l'architecture moderne et contemporaine
Objectifs pédagogiques
L’architecture du XXe siècle, une histoire critique (focus après 1940)
CM tous les mardis (9h15-11h15)
L’histoire a pour vocation de comprendre plutôt que de juger. Elle éclaire le présent en analysant les processus qui l’ont façonné, tout en veillant à ne pas instrumentaliser le passé pour légitimer des pratiques actuelles ni y projeter des jugements contemporains—des attitudes pourtant courantes qui relèvent de l’anachronisme. L’écriture de l’histoire repose sur des sources souvent fragmentaires et déjà en partie constituées par leur mise en archives. Sélective et discontinue, elle relève d’une construction intellectuelle qui constitue en elle-même une forme d’usage du passé. Ainsi, il n’existe pas une histoire unique, mais une pluralité d’histoires.
En adoptant une approche sociohistorique, cet enseignement croise l’analyse des pratiques (projets, édifices, opérations) et des discours (écrits, vocabulaire) avec l’étude des acteurs replacés dans leurs contextes culturels et socioéconomiques. Il éclaire l’émergence des divers courants et modèles architecturaux en examinant leurs conditions de production, leur diffusion, leur circulation et leur réappropriation dans des contextes géographiques et culturels variés. L’étude s’attache également à évaluer leur impact, tant immédiat qu’à long terme, ainsi que leurs réactualisations (revivals).
Cet enseignement promeut une approche critique et réflexive de l’histoire, qui vise à :
-comprendre, décrire et éclairer, sans verser dans l’hagiographie, l’empathie ou la condamnation ;
-questionner les périodisations et les catégories historiographiques ;
-déconstruire les certitudes doctrinales.
Au-delà de l’acquisition d’un socle de connaissances et de références, il s’agit d’interroger l’architecture sous trois angles :
-comme expression d’un moment de l’histoire et de la culture,
-comme action sur la société,
-comme processus de stratification en perpétuelle transformation.
Compétences visées
– acquisition de connaissances approfondies sur certaines thématiques contemporaines,
– capacité à adopter une approche pluridisciplinaire inhérente à l’analyse du projet architectural et urbain,
– capacité à démontrer un esprit de synthèse valorisant la formation acquise, dans l’expression écrite et orale,
– capacité à adopter un esprit critique et une réflexivité sur les pratiques architecturales et les débats contemporains.
Contenu
Après un retour rapide sur les politiques de reconstruction et de construction massive de logements, ainsi que sur le rôle de l’État-Providence en Europe, le cours explore la diversité des courants architecturaux qui, après la Seconde Guerre mondiale, aspirent à redéfinir le modernisme et le statut de l’architecte.
En s’appuyant sur des projets et réalisations, des écrits, des théories et des controverses, l’étude des principaux courants architecturaux s’articule autour de :
-leurs conditions de production : le contexte et la conjoncture ayant permis leur émergence, les problématiques auxquelles ils répondent et les courants auxquels ils s’opposent ;
-leurs transformations (réappropriations, adaptations, mutations) à travers leur circulation et diffusion dans l’espace et dans le temps ;
-leurs formes de réactualisation et de revival à l’ère contemporaine.
L’accent est mis sur les écarts — similitudes et différences — entre les questionnements et pratiques d’hier et d’aujourd’hui, afin d’éviter les anachronismes d’une histoire construite a posteriori. Les redéfinitions critiques de la modernité apparues dans l’après-guerre ont entraîné un éclatement des références, dont le cours examine les enjeux, les potentialités et les limites. En insistant sur la fabrication, le transfert et la circulation des modèles dans une perspective à la fois temporelle et géographique, il explore la diversité des modernismes et les rapports renouvelés entre un supposé centre et ses périphéries, dont l’architecture coloniale constitue l’exemple le plus radical. Il s’agit ainsi d’identifier les formes d’appropriation et d’interaction entre ces différents espaces et traditions architecturales.
Étant donné l’importance de la forme architecturale dans les débats contemporains, le cours met en lumière la recherche, tout au long du XXe siècle, de nouvelles formes (style, langage architectural, enveloppe) et types (archétype, objet de série, patterns, structures). L’articulation entre ces formes et types souligne comment la question de la forme en architecture incarne et traduit des représentations culturelles et politiques ainsi que l’état des techniques. En examinant l’usage de préfixes tels que « new » (new brutalism, new empiricism), « post » (postmodernisme) et « dé » (déconstructivisme), le cours interroge les filiations, continuités et ruptures revendiquées entre les courants architecturaux. Il analyse également les dialogues qu’une œuvre architecturale entretient avec d’autres disciplines (philosophie, sciences sociales, sciences cognitives) et modes d’expression (art, littérature, cinéma), ainsi que la manière dont les architectes et les courants conçoivent leur rapport au temps, entre passé, présent et futur.
Enfin, le cours examine les constructions historiographiques de l’architecture dite moderne, nouvelle ou contemporaine tout au long du XXe siècle, ainsi que leur révision critique amorcée dans l’après-guerre et approfondie à partir des années 2000.
PROGRAMME DES SEANCES (13 séances)
Des séances thématiques couvrant l’ensemble du XXe siècle alternent avec des sessions d’approfondissement dédiées à la période postérieure à la Seconde Guerre mondiale.
Méthode d'évaluation
Examen sur table en forme de dissertations synthétiques
Travaux requis
A lire obligatoirement les chapitres mis en ligne de l’ouvrage de J.L. COHEN, Le futur de l’architecture depuis 1889, Londres, Phaidon, 2012.
Compléter les notes du cours par de lectures, et thèmes transversaux à réviser pour l’examen final.
HTP: 20h
Bibiliographie
I. OUVRAGES GÉNÉRAUX
R. BANHAM, Théorie et design à l’ère industrielle, Orléans, HYX, 2009 [1960]
R. BANHAM, L’Architecture de l’environnement bien tempéré, HYX, 2011 [1969]
J.L. COHEN, Le futur de l’architecture depuis 1889, Londres, Phaidon, 2012.
J.L. COHEN, L’architecture du XXe siècle en France, Paris, Hazan, 2014.
J.L. COHEN, Architecture en uniforme. Projeter et construire pour la Seconde Guerre mondiale, CCA/Hazan, 2011.
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W. CURTIS, L’architecture moderne depuis 1900, Londres, Phaidon, 2004.
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III.SOURCES
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-A. SMITHSON (dir.), Team Ten Primer, 1962/1965.
-R. VENTURI, De l’ambiguïté en architecture [1966].
-R. VENTURI, SCOTT BROWN, IZENOUR, Learning from Las Vegas, 1968.
-B. ZEVI, Apprendre à voir l’architecture, 2011 [1959] et
Le langage moderne de l’architecture : Pour une approche anticlassique, Parenthèses, 2016 [1973].
– Architecture, 1980: The presence of the past, Venice Biennale, 1980.
– La présence de l’histoire. L’après modernisme, 1981.
IV.ANTHOLOGIE DE TEXTES et DICTIONNAIRES
F. CHOAY (dir.), L’Urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie, Paris, Seuil, 1965.
U. CONRAD, Programmes et manifestes, Editions de la Villette, 1989.
M. DENÈS (dir.), Form Follows Fiction. Écrits d’architecture de fin de siècle, Paris, La Villette,
K.M. HAYS, (dir), Architecture Theory since 1968, The MIT Press, Cambridge 1998.
P. MERLIN, Dictionnaire de l’urbanisme, de l’aménagement, du logement et de l’environnement, Paris, PUF, [1988], 2023.
J. P. MIDANT, Dictionnaire de l’architecture du XXe siècle, Paris, Hazan, 19
K. NESBIT, Theorizing a New Agenda for Architecture: An Anthology of Architectural Theory 1965 – 1995, Princeton, Princeton Architectural Press, 1996.
J. OCKMAN (dir), Architecture Culture 1943-1968. A Documentary Anthology, Columbia/Rizzoli, New York, 1993.
Supports de cours
PP, Extraits audiovisuels.
J.L. COHEN, Le futur de l’architecture depuis 1889, Londres, Phaidon, 2012 (chapitres scannérisés)